quarta-feira, 8 de março de 2023

Wander...

 

Pedro Cuiça © Baden-Württemberg (Alemanha, 19 de Outubro de 2019)


Le pauvre vagabond

Est recru de fatigue.

Breves gens, soyez bons

Envers l’Enfant Prodigue.

(pp. 7-8)


Le vagabond se laissait envahir par la douceur de la nuit, il la goûtait par toutes les fibres de son corps et la respirait à longs traits ; il pressentait le retour du printemps, de la chaleur et des longues randonnées sur les routes sèches. Sa mémoire fidèle parcourait la ville, la vallée et toute la région; il connaissait les routes, les cours des rivières, les villages, le shameaux, les fermes, les asiles de nuit familiers. L’esprit en éveil, il réfléchissait, et puisqu’il ne pouvait plus s’attarder davantage à Laechstetten, il arrêtait le plan de son prochain voyage.

(p. 42)

 

Souspirant profondément, il écarta ces tristes pensées. Il s’adossa au creux d’un vieux marronier, en face du pont et continua à réfléchir à son prochain voyage. Il aurait aimé traverser la Forêt-Noire, mais là-haut il faisait froid en cette saison, il y avait sûrement beaucoup de neige, on y abîmait ses chaussures et les abris pour la nuit y étaient rares.

(p. 43)

 

Quittant, sous les rafales de neige, la montagne du Wolfsberg, il descendait ver la vallée de la Talmühle, exténué, le corps délabré, mais toujours debout, comme s’il coulait consumer le peu de forces qui lui restait encore, et marcher, marcher toujours aux lisières des bois et le long des chemins forestiers. Malgré la fatigue et la maladie, sa vue et son odorat étaient restés intacts ; l’oil aux aguets, la narine palpitante comme un chien de chasse en quête de gibier, il décelait toujours chaque dépression de terrain, chaque soufflé de vent, chaque trace de bête. Sa volonté n’y avait point part et ses jambes allaient d’elles-mêmes.

Depuis quelques jours il se voyait en présence de Dieu, lui parlant sans cesse. Il n’avait pas peur ; il savait que Dieu ne peut nous faire de mal. Ils parlaient ensemble, Dieu et Knulp, de la gratuité de sa vie, de ce qui aurait pu en changer de cours, de l’orientation qu’elle avait prise.

(pp. 110-111)

 

HESSE, Herman. 1972. Knulp. Paris: Calmann-Lévy

[edição original – Frankfurt: Surkamp Verlag, 1949]




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