"Je n'ai pas de religion particulière ce matin. Mon dieu est le dieu des marcheurs. Si vous marchez assez longtemps, vous n'avez probablement besoin d'aucun autre dieu" (Chatwin, 1979, 54). Tout marcheur chemine avec ses dieux intérieurs. La marche est ce moment où la présence au monde redevient une forme de spiritualité. Elle conjure la séparation entre l'homme et le monde, et lui donne le sentiment d'appartenir enfin aux éléments, d'être porté non seulement par la terre ou son poids, mais aussi par sa force intérieure, nourrie de cette alliance. Elle nést pas un monothéisme car les impressions ressenties par le marcheur sont trop multiples et contradictoires, toujours changeantes. Elles ne se rangent pas sous une seule bannière, et elles appellent plutôt le plein vent du monde. La marche relève du polythéisme, elle est sous l'égide d'une pluralité de divinités. Il importe peu que le marcheur les reconnaisse ou non, car de toute façon les dieux marchent avec lui.
David Le Breton: Marcher - Éloge des chemins et de la lenteur (2012: 146-147)
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